• 23 novembre 2017
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Réaliser une vidéo de digital learning avec un prompteur : la fausse bonne idée

Loïc Le Gac

Tenir un discours construit face à une caméra n’est pas un exercice facile. Même pour un enseignant, un dirigeant d’entreprise, ou toute autre personne ayant l’habitude de s’exprimer en public, le fait de se savoir filmé peut être déstabilisant. On aura alors tendance à se tourner vers un allié qui nous procure une forme de sécurité : le prompteur. Mais lire ses notes dans une vidéo de Digital Learning, est-ce vraiment une bonne idée ?


Enseigner c’est, avant tout, incarner un discours pédagogique

Il est des souvenirs douloureux sur lesquels on ne veut pas forcément revenir une fois adulte et dans la vie active. Non je ne parle pas uniquement de l’adolescence; je pense à l’enseignement supérieur. Qui n’a pas connu le cours magistral pendant lequel on luttait difficilement contre le sommeil ? Drôle d’exercice : un enseignant seul devant un plus ou moins grand nombre d’étudiants diffusant un savoir que l’on pouvait trouver dans des livres ou des polycopiés pendant un minimum de deux heures. Le but originel de ces séances : faire incarner un contenu de formation par son émetteur pour faciliter son appropriation par les étudiants.

Mais combien d’enseignants incarnaient vraiment leur propos ? Bien souvent il s’agissait d’un marché de dupes. Si l’étudiant restait c’est parce qu’il y avait un examen à la fin de l’année et qu’il savait que certaines informations ne seraient ni dans le polycopié ni dans les manuels et que seule sa présence permanente lui permettrait de les collecter. J’ai connu, bien entendu, comme vous tous, des enseignants passionnants, mais pour combien de cours soporifiques ? Le pire étant, de loin, l’enseignant se contentant de lire son cours.

Le pari des MOOC était d’ouvrir les portes des amphithéâtres pour rendre les cours accessibles à tous, partout. Mais, pourquoi vouloir en faire des portes grandes ouvertes sur ce que nous avons connu de pire : l’ennui ! 


Comment créer un contenu de qualité pour une vidéo de digital learning ?

Lorsque l’on se trouve à créer un parcours de digital learning, MOOC, COOC ou SPOC, le premier défi est de trouver la bonne manière de diffuser le contenu du cours. Le format le plus souvent adopté est la réalisation d’une vidéo de l’expert (enseignant, formateur…) expliquant le sujet abordé. Mais voilà, être enseignant, formateur ou expert ne fait pas automatiquement de vous une star des plateaux télés. Savoir, savoir transmettre, ne vous rend pas mécaniquement à l’aise devant une caméra. Et cela peut devenir bloquant. Tétanisés devant cette difficulté, certains enseignants renoncent à intervenir dans des vidéos de digital learning.

A cela il faut ajouter la volonté de maîtriser à tout prix la communication. En effet dans le cadre d’un MOOC, par définition, on sort de l’amphi, on devient donc potentiellement visible de nombreuses personnes et notamment des autres enseignants et experts. Cela incite, trop souvent, nos experts à vouloir s’assurer de la précision et de l’exactitude de chaque mot prononcé, ce qui, dans un échange verbal normal serait totalement inimaginable.

Comment faire ? C’est là qu’est survenue la formidable idée, le remède miracle, l’homéopathie des MOOC : le prompteur ! Il permet de sécuriser l’ensemble du tournage. L’enseignant peut rédiger l’intégralité de son cours, celui-ci sera diffusé sur le prompteur qu’il n’aura plus qu’à lire. Le voilà rassuré et le tour est joué. Vraiment ?

En fait non, car n’est pas David Pujadas ou Anne-Sophie Lapix qui veut.


Mort au prompteur dans les vidéos de digital learning !

Changeons deux secondes d’univers pour prendre conscience de l’absurdité du schéma. Vous voulez tourner un film de fiction (vous êtes plutôt du côté des frères Dardenne ou d’Eric Rohmer) et vous souhaitez travailler avec des comédiens non professionnels. Seulement voilà, parmi les personnes pressenties, certaines vous disent qu’elles ont peur de la caméra et qu’elles veulent être sûres d’avoir un niveau de langage châtié. Vous leur proposez de tourner votre film avec un prompteur ?

Non, cela nous paraît absurde. Pourquoi ? Tout simplement car nous percevons intuitivement la contradiction dans les termes. Si vous décidez en tant que cinéaste de faire appel à des non professionnels c’est parce que vous vous souhaitez obtenir un côté « brut », « réaliste », « naturel », que vous pariez sur le fait que l’empathie du spectateur sera plus forte que vous serez sur la ligne de crête de la fiction. Le prompteur ou tout autre placebo ne pourra donc qu’être en totale contradiction avec votre aspiration de départ.

Pour les MOOC il en est de même. Lorsque nous réalisons un parcours en ligne ce n’est pas pour l’enseignant, la direction de l’université, l’entreprise, le service de formation… c’est pour l’apprenant. C’est lui qui donne du sens à l’ensemble. Il faut donc en permanence se poser la question de savoir pourquoi on adopte tel ou tel parti pris et en quoi cela sert l’apprenant. Lorsque l’on fait le choix de faire appel à l’enseignant pour incarner le cours, c’est effectivement pour le rendre vivant pour donner l’impression à l’apprenant qu’on lui parle, qu’on lui explique les choses. C’est donc le naturel, le côté humain que l’on cherche à capter. C’est le rythme spécifique d’un discours oral explicatif entrain de se construire que l’on veut obtenir et non un livre lu. L’ennui filmé reste l’ennui.

Au final, le prompteur dans une vidéo de digital learning, loin d’être un remède, ne fait qu’aggraver les choses en donnant un contenu monotone, monocorde. Un intervenant qui n’est pas à l’aise devant une caméra sera encore moins à l’aise devant une caméra en train de lire !

Faut-il alors bannir le prompteur définitivement lorsqu’on réalise une vidéo de digital learning ?


Penser pédagogie

Réaliser une vidéo de digital learning avec un prompteur peut avoir du sens lorsque celui-ci est utilisé pour ce pourquoi il est fait : cadrer un discours à la virgule avec une personne dont c’est le métier d’interpréter un discours face caméra (un comédien, un présentateur).
Ce cas pratique est un bon exemple pour illustrer un adage de base du digital Learning : chaque parti pris formel dans un parcours doit être justifié par des raisons pédagogiques.


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