• 12 octobre 2017
  • Tribunes

Le digital learning : vraie ou fausse révolution ?

Loïc Le Gac

Pas un service de formation qui ne se pose la question du passage au digital. Les couloirs bruissent de mots à consonances étranges : MOOC, LMS, SPOC… On nous promet des lendemains qui chantent et des révolutions. L’arrivée du digital learning est-il véritablement le changement radical annoncé ou bien un simple effet de mode comme ils sont si fréquents dans le domaine de la formation professionnelle?

Ce qui caractérise une révolution c’est qu’elle est inévitable, au-delà du fait qu’elle constitue un changement radical. On ne lutte pas contre une révolution au risque d’être dépassé, on s’y adapte et on essaye d’anticiper la suite tel un surfeur sur la vague. L’enjeu est donc de taille : si le digital learning en est une, de révolution, il ne faut plus se poser de questions et se tourner résolument vers l’avenir radieux de la formation.


Des changements radicaux à l’oeuvre dans le monde du travail

Tournons-nous, tout d’abord, vers l’aspect inévitable du digital learning. Le monde professionnel a amorcé sa mutation depuis plusieurs années déjà, et cette mutation s’accélère avec les évolutions technologiques et comportementales. Force est de le constater nous nous éloignons de plus en plus de l’artisan de la fin du XVIIIème, fier de son expertise affinant son savoir-faire au fil des ans pour le transmettre à son apprenti.

Non seulement le travail a été parcellisé avec la révolution industrielle, mais il est aujourd’hui atomisé par la révolution numérique. Finie la fidélité à une entreprise, à un emploi. De nos jours une expérience de cinq années dans un même poste, une même fonction est déjà longue. Le parcours professionnel est varié, plein de ruptures et individualisé. Si l’on se penche sur la situation outre-atlantique, ce n’est là que le début du changement. Demain nous serions tous condamnés à devenir, non pas des prolétaires mais des « tap workers », c’est-à-dire des travailleurs qui sortent du robinet. Chacun serait ainsi un auto-entrepreneur accompli effectuant des missions pour ses multiples clients, bien loin d’un confortable CDI.

Mais un autre changement d’envergure est intervenu, depuis le XVIIIème, bien sûr, mais aussi par rapport aux dix dernières années, dans les savoir-faire professionnels : c’est la fluidité des compétences. Hier encore, l’ingénieur spécialisé dans le développement sous AS400 ou en Cobol pouvait parier sur une carrière longue et sereine. Aujourd’hui nous faisons face à de nouvelles expertises, de nouvelles compétences – plus ou moins consistantes – selon un rythme échevelé. Ce qui est sûr c’est qu’une position professionnelle peut difficilement reposer de manière permanente et figée sur une rente de savoir ou de savoir-faire.


Un impact de taille sur la formation professionnelle

Ces deux grands phénomènes ont un impact inévitable : pour survivre, pour éviter l’exclusion d’une grande partie des salariés, il est indispensable que tout un chacun actualise ses compétences en permanence. La formation tout au long  de la vie, le “lifelong learning”, n’est plus un idéal, un doux rêve humaniste, mais une nécessité absolue, aussi bien pour les salariés que pour les entreprises.

Le problème est que cela requiert une masse colossale d’heures de formation, la disponibilité d’une grande variété de parcours et l’individualisation de l’offre de formation professionnelle. Impossible d’y répondre avec la formation classique en présentiel, et l’e-learning classique, on le sait, pose un problème d’efficacité. Il ne reste qu’une solution : le digital learning. Ainsi, le digital learning, c’est incontestable, est un changement inévitable.


De bonnes raisons de recourir au digital learning…

Son caractère inévitable ne suffit cependant pas à faire du digital learning une révolution, encore faut-il qu’il constitue un véritable changement dans la manière de faire de la formation professionnelle. Pour ce qui est des usages, principalement, le digital learning est porteur de changements en profondeur pour la formation professionnelle. Il y a, en fait, de bonnes et de mauvaises raisons pour l’utiliser.

  • Le premier grand changement apporté par le digital learning, et qui s’approfondira dans les années à venir, c’est l’individualisation : Grâce au digital je me forme à mon rythme, où je veux, quand je veux, avec l’outil que je veux. Il n’est pas de formation digitale réelle qui ne soit  ATAWAD, anytime, anywhere, on any device. Inutile de distinguer le mobile learning du digital learning. Le digital learning doit se penser dans une dimension d’usages multiples.Deuxième élément d’individualisation à l’œuvre, le digital m’affranchit des contraintes matérielles : je dois pouvoir choisir, sans passer par le moindre intermédiaire, la formation qui répond à mes besoins. Cela veut dire que je dois disposer d’une offre disponible large et variée et de véritables indicateurs de qualité pour choisir le bon parcours de formation en digital learning adapté à mon envie. Cela fait partie de la révolution en cours. Soyons clairs, nous en sommes encore loin.
  • Autre changement apporté par le digital learning, l’auto-validation. Cela peut paraître un détail, mais ce n’en est pas un. Dans un parcours digital je peux facilement vérifier, immédiatement après avoir appris et découvert une notion, si ma compréhension est la bonne. Inutile d’attendre un temps de correction long imposé par le fait d’être plusieurs avec un seul formateur. Cette auto-validation est un élément crucial d’amélioration de la démarche pédagogique pour un meilleur apprentissage pour chacun.
  • Troisième changement, qui n’en est pas un, le social learning. Les parcours et les plateformes de digital learning offrent des possibilités multiples d’interaction entre les apprenants : forums de discussion, chats, classes virtuelles, activités collaboratives… Cela est un réel apport et une véritable différence avec le e-learning. C’est une manière d’humaniser le numérique. Sur le plus long terme ce n’est jamais que le retour d’une partie des bénéfices de la formation classique en présentiel.
  • Enfin dernier changement, digital par excellence, toute formation devient extrêmement facile à actualiser et on peut sans problème intégrer la veille dans la formation professionnelle.

…et de mauvaises raisons

Le digital learning est aussi potentiellement porteur d’une révolution négative. Il est essentiel que cet aspect obscur de la force ne l’emporte pas car il est synonyme de vision à court terme.

D’aucuns voient dans la formation digitale une opportunité d’augmenter le temps de travail et de réduire les budgets de formation. Il est essentiel que le digital ne se réduise pas à une vision « low cost » de la formation. Il faut plutôt imaginer le digital comme un formidable effet de levier au service de la dynamisation des compétences.


Révolution technologique et non pédagogique

Révolution, il y a donc : un ensemble de changements inéluctables. Mais, soyons clairs, les changements amenés par la formation digitale sont principalement des changements d’usages, des changements de forme. Le digital learning ne constitue pas une révolution pédagogique, il est un outil. Certes il est un peu artificiel de distinguer l’usage de la formation et la formation elle-même, mais, la question pédagogique : comment transmettre un savoir, un savoir-faire, reste globalement inchangée. Il serait stupide de tomber dans le piège classique de croire que la technologie puisse répondre à nos questions fondamentales.

Le digital learning une révolution ? Oui sans aucun doute. Mais, comme le disait le comte dans Le Guépard de Lampedusa, « Il faut que tout change pour que rien ne change ».


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